Article de Michel Revol
ÉOLIENNES : LE COUP DE GUEULE DE DOMINIQUE BUSSEREAU
Le président ex-LR de Charente-Maritime et de l’Assemblée des départements s’oppose à la prolifération d’éoliennes, notamment dans son département.
D’abord, il prévient : il n’est pas opposé à l’énergie éolienne. Mais, en quelque sorte, trop, c’est trop. C’est le sens de la décision de Dominique Bussereau, qui vient de faire voter dans son département, la Charente-Maritime, un moratoire sur tout nouveau projet d’implantation d’éoliennes. Le président du conseil départemental de la Charente-Maritime, par ailleurs président de l’Assemblée des départements de France (ADF), a pris la mouche parce qu’il ne supporte pas que l’estuaire de la Gironde puisse être piqueté d’une quarantaine éoliennes. Un projet porté par EDF entend en effet implanter un vaste parc de mâts de presque 200 mètres de hauteur en face des vignobles du Médoc. Ils s’ajouteraient aux 70 à 80 éoliennes déjà installées dans le département, et à celles en projet (entre 300 et 475 !)
Dans le coin, l’idée hérisse tellement que des acteurs aussi contraires que la Ligue de protection des oiseaux (LPO) et les fédérations locales de chasseurs se sont ligués pour s’y opposer. Dans l’association Défense des marais de l’estuaire (DDME), créée pour combattre ce projet, on retrouve, outre la LPO et les chasseurs, le Comité international des vins de Bordeaux ou le Conseil des grands crus classés. Tous veulent préserver l’estuaire de la Gironde, havre pour les oiseaux migrateurs et les touristes, entre autres. Le 23 mars, ils ont remporté une première victoire avec le moratoire voté par le département de la Charente-Maritime. À l’origine de cette décision, Dominique Bussereau s’en explique.
Le Point : Le mouvement en faveur des énergies renouvelables semble inéluctable pour trouver une issue aux énergies carbonées, et pourtant vous tentez de suspendre un grand projet d’éoliennes dans votre département. Vous ne craignez pas d’aller contre l’histoire ?
Dominique Bussereau : On l’a vu dans le grand débat national, le nombre de gens qui se sentent envahis par l’afflux d’éoliennes monte en puissance. C’est le cas en Charente-Maritime, et dans les départements voisins. Je vous signale que l’on comptabilise quelque 480 mâts si on additionne tous les projets ! Dans certaines zones comme la plaine d’Aunis, les villages sont parfois entourés d’une vingtaine de mâts. Je rappelle que la Charente-Maritime est le deuxième département le plus touristique de France après le Var, et que le projet en cause concerne l’estuaire de la Gironde, le plus grand d’Europe. Il y a une vingtaine d’années, nous avions mis en place un syndicat mixte entre la Charente-Maritime et la Gironde pour protéger ces zones naturelles sensibles. Or, aujourd’hui, voici qu’EDF veut installer une quarantaine d’éoliennes de 180 mètres de hauteur. Cette initiative a fait déborder le vase !
Comment voulez-vous vous y opposer ? Ceci n’est pas seulement de votre ressort…
D’abord, à l’automne, nous avons mis en place un observatoire, afin de visualiser les zones couvertes, ou non, par les parcs éoliens. On se rend compte que des endroits dans le sud de la région Aquitaine en sont dépourvus, alors d’autres, comme la Charente-Maritime ou la Charente, sont déjà bien couverts. J’ai ensuite fait voter un moratoire, par lequel on demande à l’État de geler pendant deux ans tout nouveau projet de parc éolien. Nous établissons en parallèle un schéma directeur pour définir un mix énergétique différent. Le préfet m’a répondu qu’il n’avait pas le pouvoir d’arrêter un projet, mais il a engagé la discussion. Je lui ai dit que s’il prenait malgré tout un arrêté autorisant ce projet dans l’estuaire, je l’attaquerais devant la justice administrative.
Pour quels motifs ?
Pour un motif tenant à l’atteinte au paysage ou à l’environnement, par exemple. J’ai procédé de la même manière pour plusieurs projets dans la région de La Rochelle, mais je n’ai pas eu, pour l’heure, de réponse du préfet. Je précise que la Charente va sans doute décider du même type de moratoire, et j’informerai mes collègues de l’Assemblée des départements de France de notre action. Elle risque de faire boule de neige.
Vous voulez stopper l’éolien en France ?
Ce n’est pas une opposition à l’éolien, c’est une opposition à trop d’éolien. Certains pays font déjà machine arrière. C’est le cas de l’Allemagne, qui a arrêté des éoliennes et les démonte. Autant je suis pour l’éolien s’il n’y a pas de difficultés paysagères, par exemple dans des champs plats et déserts comme dans les plaines de Beauce, ou en mer, loin des côtes, autant je veux me battre lorsque les villages sont susceptibles d’être entourés d’un mur d’éoliennes. Là, c’est non ! Notre seul objectif, c’est la défense de nos paysages. Dans notre région comme ailleurs, si on les bousille, on bousille notre économie.